Le conte de Boucle d’or et les trois ours est un grand classique de la littérature jeunesse. On lui connaît plusieurs variantes, mais la morale reste toujours la même. Dans des versions plus anciennes, notamment anglaises, Boucle d’or est parfois une renarde ou encore une vieille femme malhonnête. Les ours, quant à eux, ont toujours été trois de tailles différentes, mais ce n’est qu’au XXe siècle que les ours forment une famille avec Papa ours, Maman ours, Bébé ours. Dans tous les cas, l’histoire est restée inchangée et l’interprétation du conte a toujours tourné autour d’une morale sur la curiosité, le respect de l’autre et la quête de soi.
Quelle est la morale de Boucle d’or ?
La curiosité est un vilain défaut. Dans ce conte, Boucle d’or est une enfant curieuse qui s’introduit dans une maison qui n’est pas la sienne et qui touche à ce qui ne lui appartient pas. Alors seule dans la forêt, elle aperçoit une maisonnette et décide d’y entrer sans même toquer. Ensuite, elle y goûte les trois bols de soupe posés sur la table, teste les trois chaises autour de celle-ci puis s’allonge dans les trois lits de la chambre. Elle agit comme si elle se trouvait dans sa propre maison, jusqu’à s’endormir dans le plus petit lit, son préféré. Elle finit réveillée par les cris de frayeurs des habitants de la maison – trois ours dont Papa ours, Maman ours et Bébé ours – qui la découvrent.
Les ours étaient sortis de chez eux pour se promener. Lorsqu’ils reviennent à leur maison, le jeune lecteur prend peur et se demande comment ces ours vont réagir en s’apercevant que quelqu’un est passé par ici. Boucle d’or a laissé des traces de son passage. Les ours constatent qu’elle a bu dans leurs bols et qu’elle a fini celui de Bébé ours, qu’elle s’est assise sur les chaises et qu’elle a cassées celle de Bébé ours et qu’elle s’est allongée dans leurs lits avant de s’endormir dans celui du petit mammifère. Le jeune lecteur comprend la colère des ours face à l’intrusion de Boucle d’or et craint pour elle une possible vengeance. D’ailleurs, ce sentiment de peur augmente progressivement grâce au procédé littéraire de la répétition. Premièrement, lorsque Boucle d’or s’introduit dans la maison, ses gestes sont à chaque fois répétés trois fois, comme pour appuyer la gravité de ses gestes. Ensuite, lorsque les ours les constatent, leur découverte est énoncée en suivant le même schéma. Les trois actions sont à nouveau énoncées trois fois chacune, ce qui crée de la tension dans le conte, car le jeune lecteur a l’impression que leur fureur augmente en même temps. D’ailleurs, Bébé ours finit par pleurer en voyant Boucle d’or dans son lit, comme point culminant de leur mécontentement. Si, finalement, les ours ne se vengent pas, l’appréhension qui s’est créée chez le lecteur lui fait réaliser que la fin de l’histoire aurait pu être pire. Il se rend ainsi compte du fait qu’il ne faut pas se mêler des affaires des autres et utiliser leurs affaires sans leur consentement, car ceci représente un viol de leur intimité. La fin de l’histoire encourage également l’enfant à apprendre à se maîtriser en jugeant mieux sa curiosité.
Est-ce que Boucle d’or à raison d’avoir peur des ours ?
Le conte de Boucle d’or et les trois ours porte sur le respect de l’autre. Dans le conte, les ours sont les victimes des actions de Boucle d’or. Bébé ours est celui qui en est le plus touché, car à cause de Boucle d’or, il n’a plus de soupe, plus de chaise et son lit est occupé. Bébé ours est à la fois triste et en colère. En plus de s’introduire là où elle n’a pas le droit d’être, Boucle d’or est également présentée comme une voleuse qui cause du tort à autrui. La chute du conte apprend au jeune lecteur que nos actes ont des conséquences sur les autres et qu’il est donc important de respecter son prochain et son intimité.
Dans ce conte, les ours sont présentés en opposition avec Boucle d’or. Tout d’abord, les ours sont des animaux alors que Boucle d’or est humaine. Ils forment une famille soudée et bien installée alors que Boucle d’or est seule. Si le lecteur réussit à s’identifier à Boucle d’or et à avoir de l’empathie pour elle, il reconnaît aussi qu’elle est l’antagoniste de l’histoire. En effet, nous ne savons rien de Boucle d’or : nous ne savons pas d’où elle vient, ce qu’elle fait seule dans la forêt, ni même si elle a une famille. Si, habituellement, les contes plantent le décor et présentent la provenance des personnages principaux, ici, nous ne savons finalement rien du personnage. Ceci pousse donc le lecteur à se concentrer davantage sur ses actions et l’absence de détails sur Boucle d’or facilite l’identification du jeune lecteur au personnage. Ceci fait du conte une histoire intemporelle et universelle qui vaut pour les enfants du monde entier. D’ailleurs, si le jeune lecteur réussit à avoir de l’empathie pour Boucle d’or, c’est parce qu’il peut se reconnaître dans sa curiosité propre à l’enfance. Même lorsqu’il sait que ce qu’il s’apprête à faire peut faire l’objet de réprimandes ensuite, comme Boucle d’or, il s’y engage tout de même. Lorsque Boucle d’or est réveillée par les ours, le jeune lecteur peut aussi comprendre sa peur comme lorsque celui-ci se fait disputer par ses parents.
Finalement, Boucle d’or est seule contre tous. On a même l’impression qu’elle ne sait pas vraiment qui elle est et que ses actions dans la maison des ours témoignent d’une quête de soi. Dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim le formule ainsi :
« L’histoire de Boucle d’Or illustre très bien la signification du choix difficile que doit faire l’enfant : doit-il être comme son père, comme sa mère ou comme un enfant ? (…) “Pour que l’enfant progresse, il faut que la constatation qu’il est encore un enfant s’associe à une autre prise de conscience : qu’il doit devenir lui-même, c’est-à-dire quelque chose de différent de ses parents et différent aussi du fait d’être simplement leur enfant. »
Sa quête de soi renforce l’empathie du jeune lecteur, car Boucle d’or se retrouve face à une famille soudée dont les membres savent pertinemment quel est leur rôle, leur place dans la famille et la société et ne le conteste pas, comme en témoignent leurs noms Papa ours, Maman ours et Bébé ours. Leur nombre, trois, renforce le sentiment d’harmonie et de stabilité qui se dégage de la famille ours, un chiffre d’ailleurs souvent associé à cela.
Comment se termine l’histoire de Boucle d’or ?
À la fin du conte, on ne sait pas si Boucle d’or a accompli sa quête, mais on imagine qu’elle a au moins retenu quelques leçons. La fin de Boucle d’or n’est ni une fin heureuse ni une fin triste, ce qui pousse le lecteur à se concentrer sur sa morale. Bruno Bettelheim conclut, au sujet de la fin : « quand elle se termine, il n’y a ni guérison ni réconfort, aucun conflit n’est résolu et il n’y a pas de conclusion heureuse. » Finalement, les silences que le conte fait sur certains points invitent le jeune lecteur à la réflexion et à tirer des leçons en fonction de ses propres perspectives.